La récupération active après un effort physique

La récupération est un élément clé de la préparation physique. Souvent qualifiée « d’entraînement invisible », son importance se fait sentir lorsqu’on vise la continuité des performances ou la réduction du délai entre des efforts impactant fortement l’homéostasie cellulaire.

Actuellement, il est largement recommandé par les entraineurs, de manière plus ou moins empirique, de faire suivre une séance d’entraînement intensive par une phase de récupération active, mettant en jeu des activités aérobies et/ou des exercices de force à intensité modérée.

A ce jour, il n’existe pas de protocole exact faisant consensus. Une application classique de retour au calme actif dure généralement moins d’une demi heure, et implique un impact mécanique faible à modéré des structures musculo-squelettique.

Pour corroborer les propos précédents, une étude estime que 89% des préparateurs physiques aux États-Unis recommanderaient une récupération active. Il convient de distinguer cette pratique de la séance habituelle de décrassage du lendemain, puisque l’accent est mis sur les interventions mises en place dans l’heure qui suit l’entraînement.

La récupération passive, quant à elle, englobe une gamme variée de méthodes, allant de la cryothérapie aux caissons hyperbares, en passant par l’électrothérapie, la pressothérapie, la luminothérapie, ou encore les pistolets de massage que les commerciaux se font en général un plaisir de mettre en avant.

En opposition à ces méthodes coûteuses, une approche de récupération passive consiste simplement en un repos total, sans marche ni mouvement, favorisant l’inaction physique selon le principe d’auto-suffisance du corps (Anti Fragile quand tu nous tiens).

 

Une question se pose ainsi : la récupération active apporte t-elle réellement des bénéfices majeures ? Surtout lorsque l’on connait le niveau de contraintes physiques appliqué à des sportifs de haut niveau ou l’importance de la gestion de la charge de travail de manière générale.

A la lumière des études de Bas Van Hooren et al. nous allons essayer de comprendre si la récupération active fait partie des Evidence Based Practice.

Récupération active : étude et méthodologie

Il s’agit d’une revue narrative exploratoire sur la récupération active et non d’une revue systématique. On soulignera toutefois le respect de la méthodologie scientifique employée par les auteurs.

L’étude compare les effets de la récupération active et passive post-entraînement, avec un délai d’intervention inférieur à une heure et une évaluation de l’efficacité au moins 4 heures après l’entraînement.

Nous ne discutons pas ainsi de la capacité que pourrait avoir un retour au calme actif sur l’enchainement d’entrainement sur un intervalle très court.

Différents indicateurs d’évolution ont été choisis :

  • Performances sur certains de tests physiques (Sprint de 30m, Counter Mouvement Jump, Squat Jump, Maximum Voluntary Isometric Contraction…)
  • Facteurs physiologiques métaboliques (Réponse cardiovasculaire, Taux de cortisol…)
  • Aspects psychologiques (Sommeil, Perception du bien-être…)
  • Prévention des blessures à long terme

Seules les études portant sur des récupérations passives sans autre méthodes techniques ont été retenues c’est à dire avec exclusion de la pressothérapie, contrastes de températures, électrothérapie …

Il est important de noter que la plupart des études sélectionnées portaient sur des individus non- entraînés ou pratiquant de manière récréative, ce qui demande de la prudence dans l’extrapolation des résultats à des athlètes plus entraînés.

Cependant, quelques études portant sur des athlètes de haut niveau ont montré une meilleure réponse des indicateurs et ce même à protocole égal. Il est donc possible que le retour des normes physiologiques à leurs valeurs basales ou tout simplement la réponse corporelle des athlètes à une récupération active diffère de ce que l’on retrouve dans la population générale.

Récupération active : résultats

Contrairement aux idées reçues, il existe finalement peu de preuves concrètes d’une réelle supériorité scientifique quant à l’usage d’une récupération active par rapport à son homologue passif.

Certaines études mettent en lumière une légère amélioration de certains indicateurs , tandis que la majorité ne permet pas de conclure de manière statistiquement claire.

Bénéfices probables d’une intervention active

Dans l’ensemble des études, on observe une influence positive d’une intervention active sur :

  • L’évolution du lactate sanguin et du pH (Acidose métabolique), qui reviennent à des concentrations basales plus rapidement.
    Reste à savoir si le retour à la norme de ces deux paramètres (bien qu’associé dans l’inconscient collectif à la fatigue) soit associé à un retour plus rapide à la performance.
  • L’augmentation du flux sanguin post-exercice qui favoriserait une évacuation des divers métabolites dû à l’effort et une réoxygénation, entre autres, des cellules musculaires. Il est probable que l’évolution du débit favorise également la néovascularisation nécessaire à l’évolution des capacités physiques.
  • Le retour des paramètres cardiovasculaires et respiratoires à leurs valeurs basales.
  • Effet positif sur la réponse physiologique adaptative, à mettre en corrélation avec le volume d’effort physique supplémentaire. En pratique cela signifie que l’on pourrait implémenter à nos rééducations / préparations physiques un volume d’exercices adaptés au travail des spécificités et lacunes de l’athlète pour augmenter le volume d’exposition à des contraintes physiques. Dans des milieu ou il est parfois dur d’implémenter du travail spécifique en plus des entrainements déjà programmés les routines post entrainement pourraient être un petit Game Changer.

Dans une moindre mesure, certains indicateurs physiologiques semblent être légèrement influencés positivement, notamment :

  • La diminution des courbatures musculaires post-exercice (effet plus marqué sur des sujets athlétiques)
  • Le retour à la normale de certains marqueurs indirects de dommages musculaires (CPK, LDH,MVIC)
  • Et une moindre dépression du système immunitaire. Elle est à priori à mettre en relation avec la persistence de l’effort et donc de l’activation du système ortho-sympathique.

L’évolution de ces 3 facteurs sont à pondérer car ces effets n’ont pas été significatifs dans la majorité des autres études intégrées.

Une étude souligne le bénéfice d’une récupération active combinée à du Foam Roller en ce qui concerne la diminution des courbatures musculaires, l’amplitude active, et la performance sur certains tests d’agilité.

Bénéfices statistiquement non significatif d’une intervention active

Les diverses études retenues n’ont pas permis de mettre en évidence de différences statistiquement significatives entre les deux stratégies d’intervention sur les indicateurs suivants :

  • Performance physique et les différents tests physiques le jour même de l’intervention ou les jours suivants
  • Raideur (la fameuse Stiffness en tensomyographie) et amplitudes de mouvement
  • Le retour à la norme des propriétés contractiles et neuro musculaires
  • La concentration plasmatique en adrenaline, noradrenaline, cortisol
  • L’homéostasie du lactate musculaire
  • Le risque de blessure à long terme
  • Le taux de sudation et l’équilibre thermodynamique corporel
  • Effets combinés d’une récupération active associée à un protocole d’étirement passif

Bien que la majorité des participants aient une perception subjective plus positive de la récupération active, la plupart des études n’ont pas trouvé de différences statistiquement significatives sur le sommeil, le niveau de stress post-effort, ou le bien-être psychologique.

Le manque d’individualisation des récupérations actives mises en jeu dans ces études peut certainement en partie expliquer la différence entre les réponses statistiques et les résultats percus en pratique courante par les kinésithréapeutes / coachs.

Selon le niveau de perception de l’effort (RPE) en cours, le stress tissulaire précédèmment subi, le volume d’entrainement tolérable par le/la sportif.ve, la spécificité des exercices aux lacunes du sportif.ve on peut conditionner un échec ou au contrainte un succès sur le nombre de blessure à long terme, la capacité à supporter un nouvel effort, l’épuisement des réserves hormonales etc.

Un suivi très cadré et individualisé semble une voie à suivre en pratique dans nos prises en charges pour maximiser le bénéfices de nos interventions.

Préjudice probable d’une intervention active

En revanche, on observe un effet globalement négatif sur la resynthèse du glycogène musculaire, dont le retour est retardé, particulièrement sur les fibres de type I qui sont préférentiellement mises en jeu lors de ce type d’intervention.

Cela semble assez logique puisque l’effort supplémentaire ajoute une dépense calorique à l’origine d’une utilisation supplémentaire des réserves énergétiques.

Récupération active : conclusion

L’article de Bas Van Hooren et al. permet de conclure qu’à l’heure actuelle, il n’existe que peu de réels bénéfices statistiquement significatifs concernant l’utilisation d’interventions actives dans l’heure suivant l’exercice par rapport à une récupération passive.

En matière de récupération il semblerait donc que le principe « Less is More » est plus approprié que son homologue « No Pain No Gain ».

Il est nécessaire d’approfondir ces résultats, notamment en tenant compte du mode, de l’intensité et du type de récupération active, ainsi que de l’exercice précédent. L’ensemble de ces variabilités, en l’absence d’un protocole médical clair, peut expliquer des effets différents selon les sports et les individus.

Il pourrait également être pertinent de réaliser les mêmes recherches dans un contexte spécifique au sport de haut niveau qui est le milieu qui bénéficie le plus des avantages présupposés de la récupération.

Il pourrait également être pertinent d’étudier les effets de la récupération active lorsqu’elle est appliquée à un intervalle plus important après l’effort, typiquement le lendemain d’une séance d’entrainement intense.

Les protocoles combinant récupération active avec d’autres interventions (presso-thérapie, électrothérapie…) pourraient également ouvrir de nouvelles perspectives pour enrichir nos connaissances sur ce sujet.

Beaucoup d’équipes ou de staffs techniques utilisent ces stratégies en combinaison avec des appareils coûteux. On retiendra comme souvent qu’il est essentiel de se demander si nos techniques employées au quotidien relèvent de croyance ou de réel savoirs-faire.

Article par Théophile Marchi

MKDE au KS13 à Marseille.