Les lésions de la syndesmose tibio-fibulaire (STFD) sont de plus en plus présentes dans la littérature.

Avec une incidence annoncée des lésions du complexe ligamentaire de la STFD allant de 11% à 32%, chez un public sportif (Porter et al. 2014, Mauntel et al 2017, Mulcahey et al 2018) voir dans certains sports (judo – lutte – rugby – football US ) et jusqu’à 40% des entorses de cheville, ces atteintes traumatiques doivent être avant tout diagnostiquées.

En effet les risques d’instabilités que ce type d’atteinte peut engendrer, nécessite un management adéquat au risque d’entrainer une dimension pronostique négative (Miller et al, 2014).

  • Quels signes cliniques doivent être repérés ?
  • Dans quels cas doit-on avoir recours à la chirurgie ? À l’immobilisation prolongée ?
  • Quelles seront les entrées thérapeutiques ?

Tant de questions à se poser pour le thérapeute.

Bien que sous estimée, elle reste pour autant difficile à diagnostiquer avec une batterie de tests cliniques, de faible valeur, à notre disposition diagnostique comme l’illustre parfaitement le tableau ci dessous :

 

 

(1) Travaux de Marie-Josée Nadeau, Xavier Bernet, Billy Ma, Ariel Pringle, Pascal Séguin, 201

Comme toujours, c’est l’association de plusieurs tests, appelés cluster de test, qui augmentera la probabilité diagnostic de cette entorse.

Afin de renforcer ce pronostic diagnostic, la mise en relation avec la palpation et le mécanisme lésionnel est essentiel. Habituellement, l’atteinte de cette syndesmose est la conséquence d’un mécanisme flexion dorsale et RE (attention il n’est pas rare d’observer des atteintes de la syndesmose dans d’autres mécanismes lésionnels type inversion).

On devra également confirmer notre examen clinique par de l’imagerie radiographique ( pour éliminer l’absence d’overlaping ) et avec l’échographie, l’atteinte du LTFAI.

 

 

Un cadre de raisonnement clinique passe obligatoirement par les connaissances requises en anatomie. 

Cet article tiré du « JOURNAL OF BONE AND JOINT SURGERY » de Tano et al. (Janvier 2021),  nous plonge au cœur de la cheville et plus particulièrement de la syndesmose tibio-fibulaire distale (STFD).

Et c’est via le prisme de la recherche chirurgicale, que l’on nous offre l’occasion de (re)découvrir les subtilités de cette syndesmose et notamment celle de son complexe fibro-membrano-ligamentaire.  

Pour les lésions graves de la STFD, le traitement chirurgical « gold standard » est la fixation via une vis chirurgicale. Présentant un certain nombre d’inconvénients (restriction de mobilité articulaire, complication avec rupture du matériel, malposition ou pseudarthrose), la « suture en boutonnière (suture endo-button ou thight rope) » nous est présentée comme prometteuse et plus physiologique.

C’est dans ce contexte, que l’étude se propose d’explorer cette zone afin de potentiellement ressortir quelques nouvelles directives pour optimiser cette opération.

 

Il existe aujourd’hui plusieurs classifications dans la littérature pour faciliter la prise de décision dans le management des syndesmose.

Le West Point Ankle Grading system, est une des références les plus utilisées en classant les atteintes en 3 stades cliniques.

Cette classification a été légèrement modifiée pour voir apparaitre, des stades annexes et ce surtout dans le grade 2 des lésions qui sclérose tous les praticiens.

Autant lors d’une atteinte de stade 3, la prise en charge chirurgicale est nécessaire autant dans le stade 2, de nombreuses hésitations subsistes en fonction de la clinique :

  • Grade I: Sprain AITFL, no instability or diastasis
  • Grade II: Sprain AITFL / IOL, mild instability / no frank diastasis
    • IIA: Normal deltoid, Negative squeeze test
    • IIB: Injured deltoid, positive squeeze test.
  • Grade III: Complete tear, frank instability and diastasis

On se rend compte d’un point de vue clinique, que la présence d’un squeeze test positif est le reflet d’une gravité de lésion avancée et très probablement d’un grade 2b où la prise en charge arthroscopique est très fortement conseillée pour évaluer l’instabilité réelle.

En effet nos tests cliniques ne sont pas suffisants dans l’évaluation de la stabilité et c’est véritablement que lors de l’évaluation arthroscopique que le chirurgien sera en mesure d’évaluer ou non la nécessité de stabiliser la pince tibio-fibulaire chirurgicalement.

 

Dans l’étude ci-dessous, les auteurs mettent en évidence pour la première fois la fréquence élevée des pathologies intra-articulaires dans le cas de lésions syndesmotiques aiguës, isolées et instables.

Dans la cohorte de patients, présentée ici, près de 50 % d’entre eux souffraient de lésions intra-articulaires. 

 

Pour développer un cadre de raisonnement optimal, une maitrise de l’anatomie est fondamentale.

Anatomie :  

La syndesmose tibio-fibulaire distale (STFD) est stabilisée en majeure partie par son système ligamentaire faisant suite à la membrane interosseuse sus-jacente (« IOM »).

Ce dernier est composé de 4 ligaments principaux : 

  • Le Ligament Tibio-fibulaire Antéro-inférieur (« AITFL »), extension antérieure de la « IOM », portion lésée en premier lieu dans le mécanisme le plus courant de rotation externe du pied. On notera également la présence du ligament de Basset 
  • Le ligament Tibio-fibulaire Postéro-inférieur (« PITFL »), extension postérieure de la « IOM » lui-même accompagné du ;
  • Le ligament transverse (« ITL ») 
  • Le ligament interosseux (« IOL ») ; situé en amont des précédents ligaments, il se veut également bien plus central dans la continuité de la « IOM ». Il semblerait être « le pivot » de la stabilité de la (STFD).

 

 

En plus d’un système de soutien passif, la stabilisation de cette pince est assistée par un système actif et notamment le couple flexor hallucis longus/tibialis postérieur et le long/court fibulaire.

C’est dans ce contexte que Tano et al., se sont penchés sur l’anatomie de la zone interosseuse tibio-fibulaire distale et plus particulièrement sur le « IOL » au travers d’une étude macroscopique, histologique et de la morphologie des surfaces osseuses avoisinantes, pour définir son importance dans la stabilité de la STFD.

 

Matériel et Méthode 

L’étude porte sur 19 chevilles issues des spécimens cadavériques japonais âgés, lors de leur décès, de 79.3 ± 9.5 ans (allant de 61 à 94 ans). Chaque cheville, a été étudiée par tomodensitométrie (Micro-CT scan).

Après avoir retirer 1 cheville de l’étude (considérée comme déformée et dégradée par l’ostéoarthrose), les 18 restantes ont été réparties au hasard en deux groupes d’étude ;

  • 15 chevilles pour une étude macroscopique consistant en une dissection minutieuse de l’ensemble des éléments de la STFD 
  • 3 chevilles pour une étude histologique approfondie du « IOL ». 

Résultats et Discussion 

L’étude tomodensitométrique a permis de mettre en lumière une proéminence osseuse en regard de la face médiale de la fibula présente chez tous les spécimens. La localisation de cette proéminence correspond également à un épaississement de la corticale osseuse. 

 

 

L’étude macroscopique présente l’« IOL » comme étant une continuité distale de IOM suivie de tissus adipeux situés entre le AITFL et le PITFL. 

 

 

Cette étude objective la présence d’une proéminence osseuse à la face interne de la fibula donnant insertion aux fibres les plus épaisses de l’« IOL », à l’endroit où la membrane interosseuse se divise en deux pour rejoindre le « AITFL » antérieurement et le « PITFL » postérieurement.

L’étude histologique précise que ces fibres plus épaisses sont composées de fibrocartilage particulièrement robuste. 

 

Cette étude, permet ainsi de confirmer l’importance et le rôle de l’«IOL» au sein de la STFD et suggère de considérer cette zone comme une zone critique de convergence et de passage des contraintes biomécaniques.

Ces données permettent d’orienter et d’optimiser au mieux le positionnement des éléments de fixation dans un cadre chirurgical pour permettre de diminuer les risques de complications per- et post-opératoires. 

Limitations 

Cette étude présente cependant certaines limites tempérant toute généralisation hâtive : 

  • L’étude ne se limite qu’à l’exploration anatomique du modèle cadavérique non pathologique. Toute similitude avec une cheville post-lésionnelle soumise aux contraintes biomécaniques de base reste encore à prouver. 
  • Ensuite cette étude porte sur une population d’origine exclusivement japonaise avec des habitudes d’hygiène de vie et « biomécaniques » (position à genou répétée, etc.) qui peuvent être bien différentes dans d’autres types de populations 
  • Enfin la population est composée de personne âgées et toute extrapolation à une patientèle jeune, sportive et lésée au niveau de la cheville est plus qu’hasardeuse. 

La stabilité de la pince tibio-fibulaire est un enjeu majeur non seulement dans la dégénérescence strucuturelle de l’articulation que sur l’instabilité chronique de cheville. L’intégrité de cette articulation conditionne également fortement la biomécanique du membre inférieur. Selon Klein P., un écartement de 1mm de cette pince conduirait à une perte de 42% de surface de contact tibio- talienne et donc une transmission des forces sur les segments sus-jacents modifiés. Il semblerait également que chez le sujet sain 20% de celle ci sont véhicules au travers des lignes de force de la fibula. 

 

 

Même si ces chiffres sont à prendre avec une certaine mesure, on entrevoit l’importance de maintenir une pince tibio-fibulaire optimale. L’anatomie particulière du talus avec un bord postérieur plus fin que la partie antérieure entraine une réelle instabilité lors de la flexion plantaire de la cheville d’où la nécessité d’un contrôle efficace du long fléchisseur de l’hallux, des fibulaires ou encore du tibial postérieur. 

 

En pratique clinique: 

  1. Il faudra être en mesure de différencier l’atteinte d’une syndesmose tibio-fibulaire, d’une entorse externe (LCF ou LTFA et/ou sous talienne)—> reportez vous au tableau ci dessus avec le cluster de test
  2. Reconnaitre le mécanisme lésionnel ( souvent caractéristique dans le cas d’une syndesmose en Flexion dorsale RE. Mais attention il n’est pas rare de noter la présence d’une atteinte associé du LTFAI dans le cas d’entorse externe « classique).
  3. Ne pas strapper en flexion dorsale de cheville dans le d’une STFD
  4. Repérer le grade et ne pas hésiter selon le cas à prendre un avis              chirurgicale si stade 2b ou 3.
  5. Tenir compte de la notion d’instabilité secondaire. En effet on est partisan d’une immobilisation plus stricte et plus longue pour limiter au maximum le risque d’instabilité talo-crurale. D’après  L’objectif de cette étude était d’étudier la fréquence et la sévérité des pathologies intra-articulaires détectées pendant l’arthroscopie
  6. Lutter contre l’inhibition voir l’AMI de certain muscles clés (LFH – TP – LF – CF …) responsable directement de la stabilisation active de la pince tubio-fibulaire 
  7. Exposer progressivement à la flexion dorsale et récupérer le glissement postérieur du talus 
  8. Construire un continuum de prise en charge complet vers des notions clés en réathltétisation (capacité d’absorption – décélération – accélération – changement de direction etc).